Plusieurs postes stratégiques à l’ONU, historiquement acquis à des diplomates d’Afrique francophone, sont désormais courtisés par des Etats africains anglophones ou lusophones. La tête du Département des opérations de paix (DOP), occupée par le Français Jean-Pierre Lacroix et chasse gardée de Paris depuis plus de vingt ans, est elle-même convoitée par Pékin.
Edition du 02/05/2022 Lecture 3 minutes
En poste depuis avril 2020, le général burkinabè Daniel Sidiki Traoré quittera le commandement de 13 000 casques bleus de la Minusca, la mission onusienne en République centrafricaine, dans les tout prochains jours. A Bangui, il doit être remplacé par un général angolais. La candidature de ce dernier, activement poussée par Luanda, a été validée dans le courant du mois de février par le chef du Département des opérations de paix (DOP) des Nations unies, Jean-Pierre Lacroix.
Quelques jours plus tôt, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres avait officialisé la nomination de la diplomate rwandaise Valentine Rugwabiza à la tête de la Minusca en remplacement du Sénégalais Mankeur Ndiaye (AI du 18/02/22).
Rééquilibrage général
Une situation inédite : depuis la création de la mission en 2014, ces deux postes étaient la chasse gardée de ressortissants issus d’Afrique francophone. Se sont ainsi succédé sur les cinq dernières années des généraux et diplomates sénégalais, congolais ou encore gabonais.
Cette nouveauté est le fruit d’un rééquilibrage plus général au sein des Nations unies, où la frontière entre Afrique francophone et anglophone apparaît de plus en plus désuète pour les instances dirigeantes dans la répartition des postes. Longtemps pré carré de l’Afrique francophone, le poste de sous-secrétaire général pour l’Afrique au sein du DOP a ainsi été confié en mai 2021 à la diplomate ghanéenne Martha Ama Akyaa Pobee. Ancienne patronne de la mission du Ghana auprès de l’ONU, elle a succédé à la Guinéenne Bintou Keita, nommée à la tête de la mission onusienne en RDC, la Monusco. Dans le même temps, Jean-Pierre Lacroix avait néanmoins pris soin de désigner le général sénégalais Birame Diop comme “conseiller militaire” du DOP.
Ces derniers mois, un autre poste a également été un temps convoité par une poignée de capitales anglophones : celui de chef du bureau régional des Nations unies pour l’Afrique centrale, avec résidence à Libreville. Depuis 2016, il est occupé par le Guinéen François Louncény Fall, dont le mandat arrive à son terme dans les prochaines semaines.
Une condition
A l’instar de la Monusco, une poignée de diplomates issus de l’Afrique francophone occupent néanmoins encore plusieurs postes clés au sein des instances onusiennes (Minusma, Unowas, etc.). Il est en outre demandé aux nouveaux fonctionnaires onusiens déployés dans des missions de l’ONU en Afrique francophone de maîtriser a minima le français.
Enfin, la direction du DOP, chasse gardée de la France depuis 1997, fait également l’objet de convoitises depuis plusieurs années. La Chine s’est lancée depuis plusieurs mois dans un actif lobbying pour y faire nommer le diplomate chinois Huang Xia (59 ans). Ancien ambassadeur de Chine au Sénégal, au Niger ou encore en RDC, le diplomate est envoyé spécial de l’ONU pour les Grands Lacs depuis 2019, un poste auquel il avait succédé à l’Algérien Said Djinnit (AI du 31/08/21). Huang Xia devrait prochainement quitter ses fonctions.
Le poste de patron du DOP est particulièrement stratégique : il a autorité sur les 100 000 casques bleus déployés à travers le monde et gère un budget de presque 7 milliards de dollars.